Le cas particulier de la Montagne
Segré, Saint-Jean-de-la-Motte, Luneray, Gresse-en-Vercors, Corte, Bastia, Lannion, Vindry-sur-Turdin, Longpré-les-Corps-Saints, Marigné…
Partout en France, des habitants se mobilisent contre des fermetures de classes et d’écoles.
Bien que les annulations et suspensions soient rares, les décisions de suppression de postes peuvent toujours être contestées en justice.
Il faut relever, dans ce cadre, que les communes de montagne ont des arguments juridiques spécifiques à faire valoir. En effet, les territoires de montagne se trouvent dans une situation particulière en termes d’enclavement ou d’accessibilité.
En premier lieu, la loi Montagne II, prenant en compte ces spécificités, a introduit des dispositions intégrant la problématique de l’éducation dans ces communes :
Elle a ainsi modifié l’article 1er de la loi de 1985 en précisant que :
« L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements (…) mettent en œuvre des politiques publiques articulées au sein d’une politique nationale répondant aux spécificités du développement équitable et durable de la montagne (…) et aux besoins des populations montagnardes permanentes et saisonnières (…) Dans le cadre de cette politique, l’action de l’État a, en particulier, pour finalités : (…) 13° De réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d’en assurer la pérennité, la qualité, l’accessibilité et la proximité, en tenant compte, notamment en matière d’organisation scolaire, d’offre de soins et de transports, des temps de parcours et des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières des territoires de montagne. »
L’article 8 de la loi Montagne a également été modifié en 2016 spécifiant désormais que :
« Les dispositions de portée générale ainsi que les politiques publiques et les mesures prises pour leur application relatives, notamment (…) à l’éducation (…) sont, éventuellement après expérimentation, adaptées à la spécificité de la montagne ou à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif. »
L’article L.212-3 du code de l’éducation précise enfin depuis l’entrée en vigueur de cette loi que l’attention particulière portée aux territoires de montagne doit être à l’œuvre lorsqu’il s’agit de définir des seuils de fermeture de classe :
« La mise en œuvre de la carte scolaire permet l’identification des écoles publiques ou des réseaux d’écoles publiques qui justifient l’application de modalités spécifiques d’organisation scolaire, notamment en termes de seuils d’ouverture et de fermeture de classe, au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de l’isolement, des conditions d’accès et des temps de transports scolaires ».
En deuxième lieu, cette loi de 2016 est venue préciser que les enfants des saisonniers devaient être pris en compte dans les effectifs :
« Le nombre d’enseignants du premier degré affectés à chaque département par le recteur d’académie est déterminé en prenant en compte les effectifs scolaires liés à la population des saisonniers ».
En troisième lieu, les enfants dès deux ans peuvent être accueillis dans les écoles maternelles en vertu de l’article L113-1 du code de l’éducation. Ces enfants doivent d’ailleurs être accueillis en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne ou dans les DOM TOM.
Dans les écoles accueillant des enfants dès deux ans, ces derniers doivent être comptabilisés dans les prévisions d’effectifs d’élèves pour la rentrée. Cette disposition est issue de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui l’a introduit dans des termes limpides.
Les ministres successifs de l’éducation nationale ont rappelé les modalités de calcul des effectifs, comprenant les enfants de 2 ans, dans de nombreuses réponses ministérielles. Cf. à titre d’exemple Réponse du Ministère auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports -Sports à la question de VÉRIEN Dominique JO Sénat du 16/02/2022 – page 1667
L’intention du législateur de voir ces enfants comptabilisés ressort par ailleurs sans équivoque des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi d’orientation.
Pourtant, dans la pratique, lors des décisions de suppressions de postes d’enseignants, les inspecteurs d’académie ne semblent pas toujours pas être au courant de l’obligation de comptabiliser ces enfants, obligation qui date pourtant de plus de dix ans, ni de l’obligation de considérer avec attention les territoires de montagne du fait de leur isolement, en ne leur appliquant pas de seuils de fermeture.